Le projet de programme d'armement d'État russe pour 2027-2036
/Réunion d'examen des principaux paramètres du projet de programme d'armement d'État pour 2027-2036
Alors que les États-Unis produisent toujours plus d’armes pour les nouveaux besoins européens et que l’Europe s’engage dans des plans de réarmement, la Russie, elle aussi, prépare son arsenal pour les années à venir.
La prise de parole de Vladimir Poutine, le 11 juin dans le cadre des discussions devant conduire à la mise au point du programme russe d’armement d’Etat pour les années 2027-2036 est instructif. En premier lieu, de manière officielle, cette prise de parole permet de dater à 2008 le début de l’effort de réarmement russe. Soit une année après le discours de Munich et au moment de la crise géorgienne, qui a mis en lumière les limites de l’équipement militaire russe. Les grandes lignes qui sont présentées soulignent non seulement le rôle de l’armement nucléaire et de l’aviation, mais plus étonnant de l’infanterie, certainement une leçon issue du déroulement de l’opération spéciale. Le rôle des exportations et la dualité entre production civile et militaire est aussi souligné afin de garantir la vitalité et la stabilité de l’industrie militaire. Le rôle d’un personnel formé et qualifié est aussi mis en avant. Enfin, l’absence de structures dédiées au stationnement des armements, une plaie de longue date, est ici directement réaffirmée.
Deux points importants, pourtant soulignés par les médias officiels, sont absents de cette présentation. Le coût du crédit à plus de 20%, qui s’applique aussi à l’industrie militaire et rend tout investissement aléatoire, et la longueur des processus d’adoptions de nouveaux équipements dans les armées entre l’étude d’un prototype et sa certification. Si une durée importante pour les équipements lourds est compréhensible, une durée de certification de 8 à 9 mois est particulièrement négative pour le développement, toujours plus rapide, de nouvelles familles de drones.
Introduction et traduction de Gaël-Georges Moullec, Docteur en histoire contemporaine – HDR, Chercheur associé au CRESAT, Université de Haute-Alsace.
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Le 11 juin 2025, au Kremlin, le Président Vladimir Poutine a tenu une réunion afin examiner les principaux paramètres du projet de programme russe d'armement d'État pour les années 2027-2036
Vladimir Poutine : Chers collègues !
Nous entamons aujourd'hui une série de réunions de travail dédiées, au cours desquelles nous analyserons les principaux paramètres du prochain programme d'armement d'État. Sa période de mise en œuvre s'étend de 2027 à 2036. Pendant cette période, il constituera le principal point de référence pour le développement des systèmes d'armes pour l'ensemble de l'organisation militaire du pays, c'est-à-dire pour nos forces armées, les autres troupes et les unités militaires des services et départements spéciaux, l'outil le plus important pour façonner leur nouvelle qualité au cours de la quatrième décennie du XXIe siècle.
Je rappelle qu'en avril de cette année, nous avons discuté de la manière d'augmenter le volume des fournitures et d'améliorer l'efficacité de l'utilisation des armes et des équipements pour les opérations militaires spéciales. Les mesures prévues à l'époque sont en cours de mise en œuvre, mais ces mesures sont essentiellement de nature opérationnelle et seront mises en œuvre dans les plus brefs délais, ici et maintenant, en temps réel, sur la base des besoins actuels.
Aujourd'hui, notre tâche consiste à élaborer un nouveau programme à long terme pour l'ensemble des systèmes d'armes et des échantillons, y compris et surtout, bien sûr, ceux qui sont prometteurs (*). Pour ce faire, nous devons exploiter au maximum l'expérience des opérations militaires spéciales et des différents conflits régionaux. Et, bien sûr, il est important de prendre en compte les tendances mondiales en matière de développement des technologies militaires. D'ailleurs, le nombre de pays qui travaillent activement dans cette direction augmente, ce qui reflète les processus objectifs de formation de nouveaux centres de développement technologique, scientifique et industriel dans un monde multipolaire.
Je voudrais souligner que le programme d'État doit nécessairement inclure des volumes et une nomenclature d'armements et d'équipements suffisants pour répondre à nos besoins actuels et à nos besoins futurs. À cette fin, il doit être lié, en termes de temps et de mesures, au programme de développement du complexe de l'industrie de la défense de la Russie. Il est également évident que le nouveau programme d'État doit mettre l'accent sur la création des systèmes d'armes les plus modernes.
Lorsque j'ai parlé du développement de l'industrie de la défense, j'ai immédiatement rappelé qu'en temps voulu, nous avons pris les mesures nécessaires - juste à temps - pour être au niveau - certes, avec les questions et les problèmes que nous connaissons, mais toujours au niveau où nous sommes. C'est-à-dire que nous avons pris les mesures nécessaires en temps voulu... C'était quand, il y a une dizaine d'années ?
D. Manturov : Depuis 2008.
V. Poutine : Oui, 2008, 2009, 2010 - des décisions ont été prises pour développer l'industrie de la Défense, et des fonds ont été spécifiquement alloués à cette fin, pour le développement de l'Industrie de la Défense, directement par secteur. Cela nous permet aujourd'hui de produire le volume d'armes et d'équipements dont nous avons besoin.
Bien entendu, il convient d'accorder une attention particulière à la triade nucléaire, qui a été et reste le garant de la souveraineté de la Russie et joue un rôle clé dans l'équilibre des forces dans le monde.
La part des armes et équipements modernes dans les forces nucléaires stratégiques est aujourd'hui de 95 %. C'est un bon indicateur. En fait, c'est le plus élevé de toutes les puissances nucléaires du monde.
D'après l'expérience d'une opération militaire spéciale, l'aviation des forces aériennes et spatiales contribue de manière significative à la destruction des installations ennemies, de sorte que le programme d'État à élaborer devrait comprendre un ensemble de mesures systématiques et cohérentes visant à créer, à acquérir pour les besoins des forces armées russes, à moderniser et à réparer les équipements d'aviation et les moyens de destruction de l'aviation.
Dans le même temps, les forces terrestres restent la force dominante dans la conduite des opérations militaires modernes, quelles que soient leur échelle et leur intensité, et il est important d'accroître leurs capacités de combat dans les plus brefs délais, de créer une base solide pour le développement, d'assurer le développement de conceptions et de systèmes d'armes avancés présentant les caractéristiques tactiques et techniques les plus élevées, ainsi que des ressources pour la modernisation.
Et, bien sûr, le nouveau programme d'armement de l'État devrait devenir un outil efficace pour la mise en œuvre de la stratégie récemment approuvée pour le développement de la marine jusqu'en 2050.
Il est également nécessaire d'accroître le potentiel d'exportation des armes et des équipements nationaux, en particulier les modèles qui ont été testés, non pas sur le champ de tir, mais dans le cadre d'opérations de combat réelles de haute intensité et qui ont confirmé leur fiabilité et leur efficacité. En même temps, ce qui est important pour les acheteurs, c'est qu'ils soient compétitifs en termes de coûts et de frais d'entretien. Il est important de mettre en place le Service correctement et avec des paramètres de prix appropriés. En général, c'est le cas en mode normal, mais en ce qui concerne l'organisation de la maintenance proprement dite - pièces de rechange et autres - Denis Valentinovich [Manturov] sait de quoi il s'agit - nous devons encore travailler sur ce point.
Récemment, le 23 mai, lors d'une réunion de la commission de coopération militaro-technique, nous avons examiné ces questions de manière approfondie et substantielle et avons décidé de développer et de lancer un domaine distinct dans le cadre du programme de développement de l'industrie de la défense afin de garantir la production de produits militaires destinés à l'exportation. Cet aspect doit également être pris en compte dans le nouveau programme d'État.
Je le répète encore une fois : il doit bien sûr fixer des lignes directrices pour l'élaboration de plans de production à long terme pour les organisations de l'industrie de Défense. Ces dernières années, avec le soutien de l'État, les entreprises de défense ont multiplié leurs volumes de production et il est nécessaire d'utiliser judicieusement ce potentiel, de construire une politique du personnel bien pensée, tandis que le ministère de l'industrie et du commerce et le ministère de la défense devraient voir l'avenir et réfléchir à la manière de charger les entreprises de la production de produits civils, si nécessaire. C'est ce que nous faisons depuis longtemps, depuis dix ans au moins. Dans l'ensemble, la situation est conforme aux paramètres requis et fixés mais, compte tenu des besoins actuels des forces armées, il y a bien sûr un certain décalage. Néanmoins, il est absolument nécessaire d'y réfléchir, et pas seulement d'y réfléchir mais de faire des plans. Je fais référence à des plans spécifiques pour la diversification des installations de production, dont nous avons parlé à maintes reprises. Comme je l'ai déjà dit, nous avons suffisamment d'expérience dans ce domaine.
Et bien sûr, les activités du programme d'État doivent être clairement coordonnées avec les plans de défense et de construction des forces armées, avec les plans de mobilisation de l'économie et d'autres documents de planification stratégique.
Enfin, la dernière chose que je voudrais souligner est qu'il est important de calculer à l'avance les besoins et de commencer à préparer l'infrastructure pour accueillir les nouveaux systèmes d'armes, y compris les bases, les arsenaux, les aérodromes, etc. Les ressources financières nécessaires à la construction et à la modernisation de ces installations devraient être incluses dans le programme en tant que poste distinct. Je sais, je signe ces documents tout le temps, lorsque des gestionnaires viennent – contraints par la dureté de la vie - bien sûr - et me demandent de transférer ces dépenses à d'autres postes, apparemment plus importants. Mais à quoi cela mène-t-il ? Au fait que de nouveaux systèmes d'armes apparaissent [bien], mais ils sont [alors] installés en plein champs [sans l’environnement de soutien technologique correspondant] ce qui logiquement conduit à leur obsolescence plus rapide et à des dépenses supplémentaires.
Commençons par là.
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Source en russe : http://kremlin.ru/events/president/news/77170
(*) – Les parties en gras sont du fait du traducteur.