En direct du Forum Economique International de Saint-Petersbourg

Les points saillants des interventions du président Vladimir Poutine lors de la Session plénière du Forum économique international de Saint-Pétersbourg[1]

[1] Le Forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF) se tient chaque année depuis 1997, et depuis 2006 sous le patronage et avec la participation du président de la Russie. En 2025, les événements du SPIEF se sont déroulés du 18 au 21 juin et ont réunis 20.000 participants de 140 pays.

20 juin 2025 - 19 :50 - Saint-Pétersbourg

Le vendredi 20 juin 2025, le président Vladimir Poutine a participé à la session plénière du XXVIIIe Forum économique international de Saint-Pétersbourg organisée autour du thème "Valeurs partagées - la base de la croissance dans un monde multipolaire". Le président de la République d'Indonésie, Prabowo Subianto, le représentant du roi de Bahreïn pour les affaires humanitaires et la jeunesse, le conseiller à la sécurité nationale, commandant de la garde royale Nasser ben Hamad Al Khalifa, le vice-premier ministre du Conseil d'État de la République populaire de Chine, Ding Xuexiang, et le vice-président de la République d'Afrique du Sud, Paul Mashatile ont aussi participé à cette session. La discussion était animée par Nadim Daoud Koteich, journaliste, directeur général et présentateur de Sky News Arabia.

Dans le cadre de ce Forum international, le président russe revient sur les principaux événements internationaux et économiques. Alors qu’il décrit de façon balancée la question du conflit israélo-iranien, ses remarques sur la question ukrainienne abordent une nouvelle fois la conception critique russe des sources du conflit et de l’implication de l’Occident dans celui-ci. Toutefois, l’approche du président russe semble plus assurée et clairement plus déterminée que lors de ses interventions précédentes. Sous une forme mêlant une certaine gouaille à un propos fort, il met en lumière deux aspects jusqu’alors passés sous silence de l’approche russe sur l’Ukraine :

  • […] Vous avez parlé des régions d'Ukraine que nous considérons comme nôtres. J'ai déjà dit à maintes reprises que je considère les peuples russe et ukrainien comme un seul et même peuple. En ce sens, l'ensemble de l'Ukraine nous appartient. Mais nous partons des réalités qui se font jour […].

  • […] Vous savez, nous avons une règle ancienne - ce n'est pas un dicton, ni une parabole - mais une règle ancienne : là où le pied d'un soldat russe se pose, c'est à nous ! […]

Pour bien évaluer l’importance de ces paroles, il convient de se souvenir d’un dicton russe traditionnel, « sous chaque trait d’humour, se trouve un peu de la réalité… ». Ainsi, au-delà de la simple remarque bravache, il convient de prendre en compte ces déclarations.

Deux autres moments de l’échange du président russe avec le modérateur de la session sont encore plus révélateurs de la vision russe actuelle.

 la suite d’une question du modérateur sur la possible réaction de la Russie à une attaque « à la bombe sale » de la part de l’Ukraine, le président russe donne une réponse des plus claires :

« … Tout d'abord, ce serait une erreur colossale de la part de ceux que nous appelons les néo-nazis sur le territoire de l'Ukraine actuelle. Ce serait, peut-être, leur dernière erreur. Car notre doctrine nucléaire - à la fois le bon sens et la pratique de nos actions – dit toujours que nous répondons toujours à toutes les menaces qui nous sont adressées d'une manière semblable à un miroir. Nous répondons toujours et toujours en miroir. Par conséquent, notre réponse sera très dure et, très probablement, catastrophique pour le régime néo-nazi et, malheureusement, pour l'Ukraine elle-même. J'espère que nous n'en arriverons jamais là ».

Pour la première fois, le niveau de l’utilisation de l’arme nucléaire par la Russie est fixé au plus bas, voire en réponse à un acte terroriste, ne nécessitant pas – en théorie - l’intervention d’un État.

Le second moment de l’échange à souligner est le ressenti du président russe quant à une possibilité de Troisième Guerre mondiale.  Interrogé pour savoir s’il est « préoccupé par le fait que nous nous dirigeons maintenant vers la Troisième Guerre mondiale ? », Vladimir Poutine répond clairement :

« … C'est inquiétant. Je parle sans ironie, sans plaisanterie. Bien sûr, le potentiel de conflit est important et ne cesse de croître. Et nous avons sous le nez - cela nous concerne directement - le conflit que nous vivons en Ukraine, dans cette région, et ce qui se passe au Moyen-Orient. Et bien sûr, nous sommes très préoccupés par ce qui se passe autour des installations nucléaires iraniennes, inquiets de ce que cela pourrait entraîner. Cela exige, bien entendu, non seulement que nous soyons attentifs aux événements en cours, mais aussi que nous recherchions des solutions, de préférence par des moyens pacifiques dans tous les domaines. Je le pense sincèrement. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous [tous] sommes ici … ».

Au total, la prestation volontaire du président russe reflète à la fois la situation actuelle sur le front ukrainien, l’échec flagrant de la politique d’isolation et de sanctions conduite en particulier par l’Europe et les tergiversations actuelles des États-Unis. Une telle situation, plutôt favorable à la Russie, est encore renforcée par le conflit israélo-iranien, qui actuellement détourne une partie de l’attention internationale de la question ukrainienne.

Gaël-Georges Moullec, Docteur-HDR en histoire contemporaine. Chercheur associé au CRESAT, Université de Haute-Alsace, Mulhouse.

Pour une version complète en russe voir : http://kremlin.ru/events/president/news/77222

  • Les annotations ont été portées sur le texte original par Gaël-Georges MOULLEC. 

* * *

[...]

Nadim Koteich : Monsieur le Président Poutine, vous avez dit tout à l'heure que nous entendons des déclarations qui tentent de normaliser le fait même qu'un pays puisse assassiner le président d'un autre pays. C'est en effet la conclusion des déclarations que nous avons entendues ces dernières semaines. Certes, on peut dire que le chef spirituel de l'Iran n'est pas, à proprement parler, un chef d'État, mais Ali Khamenei dispose néanmoins de l'autorité nécessaire pour bénéficier des principes de la protection internationale. Néanmoins, quelle que soit la position que l'on adopte à l'égard de l'Iran, lorsqu'on essaie de normaliser le fait même que le président d'un pays appelle à l'assassinat du président d'un autre pays, peut-on dire que de nouvelles règles sont en train d'émerger ? Évidemment, ces règles, si l'on peut parler ainsi, sont contraires aux valeurs dont nous avons parlé ici, n'est-ce pas ?

Vladimir Poutine: Vous savez, mes collègues ont parlé ici, et j'essaie de noter certaines choses pour moi-même afin de pouvoir m'en souvenir plus tard. Lors d'une discussion avec mon collègue de la République populaire de Chine, vous avez dit ceci, et je l'ai noté : "La Fédération de Russie et la Chine sont en train de former un nouvel ordre mondial ».

La Russie et la Chine ne forment pas un nouvel ordre mondial, nous ne faisons que le formaliser. Ce nouvel ordre mondial émerge naturellement. C'est comme le soleil qui se lève. On ne peut y échapper. Et nous sommes en train de le formaliser et, peut-être, d'ouvrir la voie à ce processus pour qu'il soit plus équilibré, dans l'intérêt de la grande majorité des pays.

Nous espérons vivement que tous les pays en seront conscients et finiront par comprendre, comme je l'ai dit, que cette voie - la voie de la solution - est meilleure que la voie de la pression, que l'ordre mondial essentiellement néocolonial dans lequel l'humanité a vécu pendant de très nombreux siècles, voire des millénaires.

Nadim Koteich (tel que traduit) : Si vous me le permettez, Monsieur le Président, je voudrais revenir à ma première question concernant la normalisation de ce type de rhétorique lorsque le président d'un pays autorise l'assassinat du président d'un autre pays - dans le cas du conflit Iran-Israël. Il semble que ceux qui tentent de définir de nouvelles valeurs de cette manière - ce n'est certainement pas le Sud global, ce n'est certainement pas la Chine ou la Russie - c'est Israël. Êtes-vous à l'aise avec cela ?

Vladimir Poutine : J'aimerais beaucoup que les choses que vous avez mentionnées restent au niveau de la rhétorique. Mais je vous demande de clarifier la question. Que voulez-vous dire à propos d'Israël ?

Nadim Koteich (tel que traduit) : Ce que j'essaie de dire, c'est que les nouvelles valeurs semblent être les suivantes. Premièrement, un pays dicte des règles à un autre pays pour savoir qui a le droit d'enrichir de l'uranium et qui ne l'a pas. Un pays se permet de dire qu'il a le droit d'assassiner le président d'un autre pays. Ces valeurs sont-elles justifiables ou défendables d'une manière ou d'une autre ?

Vladimir Poutine : Je ne vois aucune nouveauté ici, Tout d'abord, il n'y a rien de nouveau. Deuxièmement, la Fédération de Russie a toujours été favorable, je tiens à le souligner, à la garantie de la sécurité de chaque pays sans préjudice de la sécurité de l'autre. C'est notre approche de principe. C'est une réponse générale, semble-t-il, mais non, je vous l’assure : c'est la politique pratique de la Fédération de Russie.

Nadim Koteich : Si vous le permettez, je vais vous poser une question très directe sur la situation actuelle. Donald Trump tente d'obtenir ce qu'il appelle une capitulation inconditionnelle de l'Iran en ce qui concerne son programme nucléaire. En tant que président de la Russie, cherchez-vous une reddition inconditionnelle de la part de Volodymyr Zelensky ? Je veux dire que c'est la même situation.

Vladimir Poutine : Premièrement, la situation n'est pas la même, elle est fondamentalement différente. Deuxièmement, nous ne cherchons pas la capitulation de la part de l'Ukraine. Nous insistons sur la reconnaissance des réalités sur le terrain.

[...]

Nadim Koteich : Président Poutine, si vous le permettez, une question plus pratique concernant la crise actuelle au Moyen-Orient. Nous parlerons un peu plus tard de l'Ukraine. Mais je voudrais maintenant poser une question sur la crise au Moyen-Orient. Elle concerne la géopolitique, les marchés de l'énergie, et entraîne des conséquences qui vont bien au-delà de la région et des parties immédiatement impliquées. Pouvons-nous dire qu'il s'agit d'un certain test, d'un certain test sur la manière dont le Sud peut aider à faire face à cette situation. Peut-être que les pays du Sud peuvent se réunir, se tenir la main et proposer une sorte de vision pour résoudre le conflit, pour proposer une solution qui peut être acceptable pour les deux parties ? Peut-être cela permettra-t-il d'éviter les effusions de sang ? Peut-être s'agit-il d'une sorte de test que nous devons passer, pour essayer de créer le poids politique nécessaire ?

Vladimir Poutine : Oui, je pense que c'est tout à fait possible. Et la pratique, la vie réelle, c'est que de nombreux pays de la région ont des relations parfois difficiles, parfois stables, avec les deux parties - Israël et l'Iran. Cela nous donne des raisons de croire, de penser et d'espérer que le Sud en général, et les pays de la région en particulier, peuvent influencer ce processus de manière à ce que la phase aiguë du conflit prenne fin.

Lorsque j'ai dit que la position de principe de la Russie est que la sécurité de certains pays ne doit pas être assurée au détriment de la sécurité d'autres pays, ici (je n'entrerai pas dans les détails maintenant, nous comprenons tous de quoi nous parlons) - d'une part, l'enrichissement de l'uranium par l'Iran, son droit de le faire, son droit à un atome pacifique, à l'énergie nucléaire, et d'autre part, ce sur quoi Israël insiste, assurer sa sécurité - il y a certainement une solution acceptable ici, à mon avis, pour les deux parties. Et les pays du Sud, et plus encore les pays de la région, peuvent certainement avoir un impact positif sur ce processus, sur la recherche de cette solution. À mon avis, cette solution existe.

Nadim Koteich (tel que traduit) : Je voudrais dire qu'aujourd'hui même, le représentant de la Russie à l'ONU a déclaré que la seule façon d'aller de l'avant est de trouver une solution politique au conflit actuel entre l'Iran et Israël. Existe-t-il des points préliminaires sur lesquels nous pourrions nous appuyer pour trouver une solution ? Ou est-il trop tôt pour en parler ?

Vladimir Poutine : Dans de tels cas, il est toujours préférable de ne pas s'avancer afin de ne pas nuire à ce processus, mais à mon avis, il y a des points de contact possibles.

Nous présentons notre position aux deux parties. Comme vous le savez, nous sommes en contact avec Israël et nos amis iraniens. Nous avons quelques propositions à présenter.

Nous ne cherchons en aucun cas - je voudrais même attirer l'attention sur ce point - nous ne cherchons pas à faire de la médiation. Nous proposons simplement des idées. Et si elles semblent intéressantes pour les deux pays, nous serons très heureux de le faire.

Mais, je le répète, nous sommes en contact avec Israël. Comme vous le savez, il n'y a pas si longtemps, je me suis entretenu avec le Premier ministre, M. Netanyahu, ainsi qu'avec le président iranien et le président des États-Unis, qui sont, bien entendu, directement impliqués dans tous ces processus. Je leur ai présenté ma vision, une voie possible pour résoudre la situation. Nous verrons bien. Nos propositions sont également en cours de discussion. Nous avons des contacts presque quotidiens avec nos amis iraniens, alors nous verrons. J'aimerais beaucoup que nos idées se concrétisent également.

[...]

Nadim Koteich (tel que traduit) : Je voudrais m'adresser à nouveau au président Poutine. Parlons de l'Ukraine. Quel est le rapport entre la guerre en Ukraine et les valeurs que nous essayons maintenant d'articuler au sein de notre forum et que nous essayons de protéger et de mettre en avant ?

Vladimir Poutine : Très simplement. Et c'est directement lié à ce dont nous avons parlé, à ce que j'ai dit. J'ai dit que la sécurité d'un pays ne peut être assurée aux dépens de la sécurité d'un autre.

Depuis le début des années 1990 et pendant des décennies, on nous a dit qu'il n'y aurait jamais, jamais, en aucune circonstance, d'expansion de l'OTAN vers l'Est. Après cela, nous avons eu cinq vagues d'élargissement, voire six. Malgré tous nos appels à ne pas le faire, tous nos appels ont été ignorés. Premièrement.

Il s'agit certes de vestiges d'une politique néocoloniale ancienne, voire antique, modernisée dans une certaine mesure pour s'adapter aux réalités d'aujourd'hui, mais il n'en reste pas moins qu'il s'agit de mesures prises en position de force, au mépris des intérêts de la Fédération russe. Il s'agit d'actions menées à partir d'une position de force, au mépris des intérêts de la Fédération de Russie. Et ce, d'une manière générale, à l'échelle mondiale.

En ce qui concerne l'Ukraine, il s'agit également d'agir en position de force, compte tenu de tout ce qui s'est passé dans ce pays. Qu'est-ce que je veux dire par là ? Il s'agit d'un coup d'État anticonstitutionnel sanglant en Ukraine. De quoi s'agit-il ? C'est aussi agir en position de force. Et la précédente administration américaine a explicitement déclaré qu'elle avait dépensé des milliards de dollars pour ce coup d'État. Elle l'a dit publiquement et sans honte.

Nos actions visaient à protéger une partie de la population qui se considérait comme liée par le sang et l'esprit à la Russie, à la culture russe et à son peuple, c'est-à-dire les habitants de la Crimée. Ensuite, nos tentatives pour résoudre la situation dans le sud-est de l'Ukraine : à Donetsk, à Lougansk. Nous avons fait ces tentatives.

Cependant, agissant une nouvelle fois en position de force, nos adversaires idéologiques ont tenté de résoudre cette question par les armes, en lançant les hostilités à Donetsk et à Lougansk - dans le Donbass. Ce n'est pas nous qui avons lancé les hostilités. Et après que le coup d'État a été exécuté et qu'une partie de la population ukrainienne dans le sud-est du pays n'a pas reconnu les résultats du coup d'État et n'a pas reconnu le pouvoir des conspirateurs et des personnes qui ont exécuté le coup d'État, les hostilités ont été lancées contre elle.

Nous avons essayé de négocier pacifiquement, de recoller les morceaux, mais nos "partenaires" - appelons-les ainsi, entre guillemets - se sont avérés plus tard qu'ils avaient entamé tous ces pourparlers de paix dans le seul but d'introduire des armes en Ukraine et de poursuivre les hostilités.

En fin de compte, cela nous a contraints à reconnaître l'indépendance de ces républiques - Lougansk et Donetsk. Nous ne les avons pas reconnues pendant huit ans, huit ans, et nous avons essayé de parvenir à un accord. Mais nous avons été contraints de reconnaître leur indépendance et de commencer à leur apporter un soutien, y compris un soutien armé, afin de mettre un terme à la guerre déclenchée par nos adversaires occidentaux et ceux sur lesquels ils s'appuyaient et s'appuient actuellement en Ukraine, à savoir les nationalistes extrémistes et les néonazis.

Par conséquent, tout ce qui est lié à ce qui se passe, à la tragédie qui se déroule en Ukraine, n'est pas le résultat de notre travail. C'est le résultat du travail de ceux qui ne veulent pas accepter les changements globaux qui se produisent dans le monde.

Nadim Koteich (tel que traduit) : (EN) Monsieur le Président, je ne peux pas remettre en question ce que vous venez de dire. Admettons qu'il s'agisse d'une déclaration de base qui reflète l'état réel des choses. Mais votre armée va plus loin : elle dépasse les quatre régions que Moscou considère comme siennes. Quel est, selon vous, le résultat final ? Où votre armée peut-elle aller ?

Vladimir Poutine : Vous avez parlé des régions d'Ukraine que nous considérons comme nôtres. J'ai déjà dit à maintes reprises que je considère les peuples russe et ukrainien comme un seul et même peuple. En ce sens, l'ensemble de l'Ukraine nous appartient.

Mais nous partons des réalités qui se font jour. Bien sûr, il y a des gens, et ils sont nombreux dans le pays voisin, qui cherchent à assurer leur souveraineté et leur indépendance. Que Dieu bénisse leur santé. Nous n'avons d'ailleurs jamais remis en question leur droit - le droit du peuple ukrainien à l'indépendance et à la souveraineté.

En même temps, les raisons pour lesquelles l'Ukraine est devenue indépendante et souveraine ont été exposées dans la Déclaration d'indépendance de l'Ukraine de 1991, où il est clairement écrit noir sur blanc que l'Ukraine est un État non-aligné, non-nucléaire et neutre. Il serait bon de revenir à ces valeurs fondamentales sur lesquelles l'Ukraine a acquis son indépendance et sa souveraineté. C'est la première chose à faire.

Deuxièmement. Dès le début, alors que le conflit était déjà devenu aigu et passionné, nous avons proposé aux dirigeants ukrainiens de l'époque de cesser immédiatement tous les conflits et de retirer leurs troupes des territoires dont les habitants ne voulaient pas vivre en tant que partie de l'Ukraine, où des coups d'État antiétatiques et anticonstitutionnels avaient lieu, mais voulaient vivre soit de manière indépendante, soit en tant que partie de l'État russe. Ils ont refusé.

Ensuite, il ne s'agit pas de décisions politiques, mais de la logique des opérations de combat, car les militaires regardent où c'est [le] mieux [de passer], où se trouvent les ravins, les montagnes, les rivières, où il vaut mieux que les troupes aillent pour atteindre le résultat final avec le moins de pertes possible. Il y a une certaine logique dans les opérations de combat, et les troupes se retrouvent dans des territoires différents. Vous savez, nous avons une règle ancienne - ce n'est pas un dicton, ni une parabole - mais une règle ancienne : là où le pied d'un soldat russe se pose, c'est à nous [ ! ]

Vous voyez, je ne veux pas que cela paraisse si militariste. Mais en fait, nous avons fait des suggestions à chaque étape des événements qui se sont déroulés... Je veux insister sur ce point pour que vous compreniez que ce que je vais dire est la vérité absolue et vraie. À chaque étape, nous avons proposé à ceux avec qui nous étions en contact en Ukraine de s'arrêter et de dire : "Négocions maintenant". Parce que cette logique de développement d'actions purement militaires peut conduire à ce que votre situation s'aggrave, et nous devrons alors mener nos négociations « à partir d'autres positions, pires pour vous". Cela s'est produit à plusieurs reprises. Je n'entrerai pas dans les détails maintenant.

Des politiciens actifs d'autres pays qui, Dieu merci, sont encore en vie et en bonne santé, ont témoigné de cette situation et de nos propositions d'arrêt. Mais lorsque nous proposions quelque chose, ils quittaient Moscou pour Kiev et nous disaient ensuite : ils nous disent que nous sommes des agents du Kremlin - c'est tout, nous nous en lavons les mains, nous ne nous impliquerons plus dans cette affaire.

À chaque fois, nous entendions : non, non, non. Et nous nous disions : eh bien, allez, allez, ce sera pire. Non. Pourquoi ? Parce que ceux qui sont guidés par les vieux principes néocoloniaux, y compris et surtout en Europe, ont pensé qu'ils allaient maintenant s'enrichir facilement aux dépens de la Russie. Ils vont l'écraser, la détruire, la ruiner et en tirer des dividendes.

C'est pourquoi, j'en suis sûr, l'ancien Premier ministre, M. Johnson, et, je n'en doute pas, également à l'instigation de l'ancienne administration américaine, à l'instigation de M. Biden, sont venus en Ukraine et ont suggéré que nous ne devrions pas parvenir à un accord avec la Russie. L'accord était déjà sur la table, lors des pourparlers d'Istanbul, comme je l'ai dit, nous avons atteint un quasi-consensus sur presque toutes les questions, il ne restait plus qu'à y mettre un point. J'étais prêt à l'époque à rencontrer l'actuel chef du régime et à y mettre un terme.

Non, M. Johnson a dû intervenir - je suis sûr qu'il l'a fait, absolument - avec le soutien de l'administration Biden de l'époque et dissuader l'Ukraine de signer les accords qui avaient été conclus et tenter de vaincre stratégiquement la Russie sur le champ de bataille. Ils y sont parvenus et les nouveaux territoires sont sous notre contrôle. L'armée russe progresse dans toutes les directions, le long de la ligne de contact, tous les jours.

Regardez ce qu'ils ont fait. Ils sont entrés dans notre région de Koursk. Ils y ont d'abord perdu 76.000 personnes. C'est un désastre pour eux. Vous comprenez ? 76,000 ! Finalement, comme nous l'avons dit, nous les avons chassés de là, mais ils ont créé une menace pour nous, ils ont commencé à créer une menace tout au long de la frontière avec l'Ukraine, dans deux autres régions voisines.

Qu'est-ce que cela a entraîné ? Ils manquent déjà de personnel et nous sommes maintenant obligés de créer une zone de sécurité le long des frontières dans de très nombreuses régions, et ils y détournent leurs forces armées, qui sont déjà en nombre insuffisant dans les zones cruciales de la lutte armée.

Je vous l'ai déjà dit : [uniquement] 47 % des effectifs [présents] dans les unités de combat. 47% au total ! D'une manière générale, ils perdent leur aptitude au combat. Et ils ont créé de leurs propres mains une ligne de contact de près de deux mille kilomètres de long. Nous en avions deux mille le long de la ligne de contact, et le long de la frontière, ils ont commencé à créer d'autres menaces pour nous - et c'est encore mille et plus, 1600 kilomètres, je pense.

Ils ont dispersé l'ensemble de leurs forces armées. C'est la chose la plus militairement stupide à laquelle je puisse penser. Ils se créent des problèmes, vous savez ? Mais nous devons réagir d'une manière ou d'une autre.

Vous avez dit : "Il y a d'autres territoires." Oui, il y en a. Mais le long de la frontière de l'État, ils ont pénétré dans la région de Koursk et y ont commis toute une série de crimes, notamment contre des civils.

Nous les avons sortis de là en leur infligeant de lourdes pertes, et maintenant nous devons créer des zones de sécurité le long de la frontière parce qu'ils attaquent constamment à partir de là avec de l'artillerie et des drones. De quoi s'agit-il ?

N. Koteich (traduction) : Pourriez-vous me dire quelle est l'étendue de cette zone de sécurité ?

Vladimir Poutine : Dans la région de Soumy, la profondeur se situe entre 10 et 12 kilomètres. Quelque chose comme 8, 10, 12 kilomètres. Ensuite, il y a la ville de Soumy, le centre régional. Nous n'avons pas pour mission de prendre Soumy, mais, en principe, je ne l'exclus pas. Pourquoi faisons-nous cela ? Parce qu'ils représentent une menace pour nous, en bombardant constamment les zones frontalières. Eh bien, voilà le résultat de leurs actions absolument analphabètes et injustifiées.

Le sens et l'objectif étaient uniques, de nature politique : montrer qu'ils peuvent encore obtenir quelque chose de leurs sponsors étrangers. Et ils ont déjà obtenu près de 250 milliards de dollars. Non, ce n'est pas assez. Ils veulent plus, plus, plus - et la moitié de cette somme sera pillée en plus, si ce n'est plus.

C'est pourquoi nous nous trouvons aujourd'hui dans ces territoires. C'est la logique de la formation de la confrontation et de son contenu.

[...]

N. Koteich (traduction) : Président Poutine, êtes-vous satisfait des réponses de vos collègues ? Il semble que vous soyez manifestement satisfait. Pourriez-vous commenter la situation ?

Vladimir Poutine: Vous savez, tout d'abord, je n'avais aucun doute que cela se produirait. Et ce n'est pas parce que quelqu'un veut faire du mal à quelqu'un ou que quelqu'un veut dire quelque chose de bien à quelqu'un. Ce n'est pas du tout la question.

Revenons au début de notre discussion, lorsque j'ai dit que le changement dans le monde se produit naturellement, comme le lever du soleil, vous savez. Tout est lié à cela.

Qu'avez-vous dit ? "La Russie et la Chine façonnent un nouveau monde" - nous ne brisons rien, vous savez ? C'est bien là le problème. Ce n'est pas comme si nous rendions les choses difficiles pour qui que ce soit. Le vice-premier ministre du Conseil d'État a déclaré : "Notre amitié, nos relations ne sont dirigées contre personne." C'est vrai. Nous ne faisons que formaliser ce qui se passe naturellement dans le monde. Cela continuera à se produire.

Se plier à la pression de ceux qui veulent conserver les anciennes règles, c'est rester quelque part en arrière. Mais surmonter toutes les difficultés, tout, y compris les guerres tarifaires, les sanctions, et ainsi de suite, signifie aller de l'avant. Nous sommes amis avec ceux qui veulent aller de l'avant, qui acceptent ce défi et sont prêts à le relever, et nous coopérons avec eux.

Nadim Koteich : Dans votre réponse précédente à la question concernant l'Ukraine, vous avez mentionné l'aspect nucléaire de ce conflit - très implicitement. Pour être honnête, j'ai lu certains rapports, la plupart publiés et couverts par les médias russes. On suppose que l'Ukraine pourrait potentiellement utiliser une bombe contre la Russie et théoriquement larguer une bombe sale sur le territoire russe. Pensez-vous que cela soit vraiment probable et possible ?

Vladimir Poutine : Tout d'abord, ce serait une erreur colossale de la part de ceux que nous appelons les néo-nazis sur le territoire de l'Ukraine actuelle. Ce serait peut-être leur dernière erreur. Car notre doctrine nucléaire - à la fois le bon sens et la pratique de nos actions - dit toujours que nous répondons toujours à toutes les menaces qui nous sont adressées d'une manière semblable à un miroir. Nous répondons toujours et toujours en miroir.

Par conséquent, notre réponse serait très dure et, très probablement, catastrophique pour le régime néo-nazi et, malheureusement, pour l'Ukraine elle-même. J'espère que nous n'en arriverons jamais là.

Nadim Koteich : Je peux déduire du ton de votre réponse que vous prenez ces rapports au sérieux. Existe-t-il des preuves, peut-être des preuves recueillies par les services de renseignement, qui confirment cette version ?

Vladimir Poutine : Non, Dieu merci, nous n'avons aucune confirmation de telles intentions. Mais nous supposons que quelqu'un à l'imagination malade pourrait avoir de telles idées. J'ai, à mon avis, donné une réponse exhaustive à notre éventuelle réaction.

[...]

Nadim Koteich (traduction) : Président Poutine, vous enregistrez quelque chose. Si vous le permettez, je ne poserai qu'une seule question et je vous donnerai la parole.

Vladimir Poutine: Nous enregistrons tout, ne l'oubliez pas. Nous enregistrons chaque étape, chaque pas.

Nadil Koteich (tel que traduit) : Suis-je dans le pétrin maintenant ? (Rires).

Vladimir Poutine : Vous y ferez face. Et nous vous aiderons même. (Rires).

Nadil Koteich (tel que traduit) : D'accord. Les médias occidentaux écrivent souvent ce qui suit, et j'aimerais vous donner l'occasion de commenter ce récit : ils écrivent que la guerre lancée contre l'Iran est une bonne chose pour la Russie. C'est bon parce que l'attention se déplace vers un autre conflit, les pays occidentaux ont un autre problème à gérer. Et, troisièmement, l'Ukraine se retrouve à la périphérie de ce qui se passe : désormais, toute l'attention est portée sur l'Iran et Israël, et non sur l'Ukraine. Que répondez-vous à cela ? Et que répondez-vous à ceux qui disent ou écrivent que la Russie est un allié peu fiable parce qu'elle n'a pas défendu l'Iran ?

Vladimir Poutine : Ceux qui promeuvent de tels récits, sur le manque de fiabilité de la Russie en tant qu'alliée, sont des provocateurs, ils provoquent la situation. Mais cela ne les aidera pas, ils n'atteindront pas leurs objectifs.

Parce que, tout d'abord, chaque conflit ne ressemble que superficiellement à d'autres conflits. Mais, comme l'a dit très justement dans un passé récent mon éminent collègue indonésien, aujourd'hui président de l'Indonésie - nous avons d'ailleurs publié son livre en russe sur l'art de la guerre -, ministre de la défense et théoricien, dans une certaine mesure, des conflits armés, de la confrontation armée : "Chaque pays porte sa propre responsabilité pour ce qui se passe dans son propre pays".

En ce qui concerne la fiabilité et le manque de fiabilité de la Russie en tant qu'alliée, il a déjà été dit ici que nous devrions faire preuve d'une certaine solidarité - nous le faisons. Mais dans chaque cas, après tout, chaque conflit est unique.

Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'Israël abrite près de deux millions de personnes originaires de l'ex-Union soviétique et de la Fédération de Russie, presque un pays russophone aujourd'hui. Bien entendu, nous avons toujours tenu compte de ce facteur dans l'histoire récente de la Russie. C'est la première chose.

Deuxièmement. Nous avons traditionnellement eu de très bonnes relations, confiantes, amicales et alliées avec le monde arabe et musulman. Comme nous représentons environ 15 % de la population islamique, nous sommes observateurs au sein de l'Organisation de la coopération islamique. Vous voyez, c'est aussi un facteur. Nous devrions garder cela et d'autres facteurs à l'esprit.

Nous entretenons des relations amicales avec l'Iran. Tout d'abord, à cet égard, nous remplissons toujours toutes nos obligations - il en va de même pour la voie russo-iranienne. Nous soutenons l'Iran dans la lutte pour ses intérêts légitimes, y compris la lutte pour ses intérêts en matière d'atomisation pacifique. Et nous avons toujours adopté cette position ; notre position de principe dans cette affaire et dans ce conflit n'a pas changé.

Ceux qui disent que nous aurions dû faire plus : quoi - plus ? Lancer une sorte d'opération de combat, c'est ça ? Nous sommes déjà engagés dans des opérations de combat avec ceux que nous considérons comme des opposants aux idées que nous défendons et qui représentent une menace pour la Fédération de Russie. Et ce sont fondamentalement les mêmes forces, que ce soit en Iran ou dans le cas russe - quelque part, loin, à l'arrière, dans le dos. Mais ce ne sont même pas ceux qui sont sur la ligne de contact.

Mais nous avons certaines obligations et nous défendons le droit de l'Iran à un atome pacifique - non pas en paroles, mais en actes. Qu'est-ce que cela signifie ? Nous avons construit un réacteur nucléaire en Iran, à Bouchehr, malgré la complexité de la situation autour de l'Iran. Nous avons signé un contrat pour la construction de deux autres réacteurs nucléaires. Et malgré la complexité de la situation, malgré le danger certain, nous continuons ce travail. Nous n'évacuons pas notre personnel.

En outre, nous, dans ce cas, sur la base du niveau connu de nos relations avec Israël, sur les relations de récupération avec les États-Unis, nous avons soulevé cette question avec Israël et avec le président Trump : que nous exerçons nos fonctions en Iran sur la base de notre compréhension du droit de l'Iran à un atome pacifique et sur la base du fait que nous agissons absolument dans le cadre des normes internationales, et nous demandons d'assurer la sécurité de notre personnel.

Je tiens à dire que le Premier ministre Netanyahu a donné son accord et que le président Trump a promis de soutenir notre demande légitime. N'est-ce pas un soutien à l'Iran ? Je pense que c'est un soutien direct. En plus du fait que nous avons pris position aux Nations unies.

La position que nous adoptons, y compris au sein des Nations unies, j'en suis profondément convaincu, est dans l'intérêt à la fois de l'Iran et de l'État d'Israël.

Nadim Koteich (traduction) : Il est probablement suffisant de parler de géopolitique. Une dernière question et nous passerons à l'économie et à d'autres questions liées à l'intelligence artificielle. Le forum de cette année coïncide avec la célébration du 80e anniversaire de la Grande Victoire de la Seconde Guerre mondiale. Êtes-vous préoccupé par le fait que nous nous dirigeons maintenant vers la troisième guerre mondiale ?

Vladimir Poutine : C'est inquiétant. Je parle sans ironie, sans plaisanterie.

Bien sûr, le potentiel de conflit est important et ne cesse de croître. Et nous avons sous le nez - cela nous concerne directement - le conflit que nous vivons en Ukraine, dans cette région, et ce qui se passe au Moyen-Orient. Et bien sûr, nous sommes très préoccupés par ce qui se passe autour des installations nucléaires iraniennes, inquiets de ce que cela pourrait entraîner.

Cela exige, bien entendu, non seulement que nous soyons attentifs aux événements en cours, mais aussi que nous recherchions des solutions, de préférence par des moyens pacifiques dans tous les domaines. Je le pense sincèrement. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes ici.

[...]

Nadim Koteich : Si vous le permettez, j'aimerais revenir sur la situation au Moyen-Orient, mais pas en termes géopolitiques, mais parlons un peu d'un autre aspect. Il s'agit du choc de l'offre qui est attendu sur le marché en raison du fait qu'il y a maintenant des combats sur le territoire iranien. La Fédération de Russie peut-elle intervenir d'une manière ou d'une autre ou les capacités de la Fédération de Russie à cet égard sont-elles limitées par les sanctions et d'autres facteurs ?

Vladimir Poutine : J'ai déjà parlé de ce que nous faisons. Qu'entendez-vous par là ? Que signifie intervenir ?

Nadim Koteich (traduction) : Pouvez-vous contribuer à atténuer le choc de l'offre sur le marché dû aux événements en Iran ? La Russie peut-elle mettre plus de pétrole sur la table ?

Vladimir Poutine : Oui, bien sûr. Tout d'abord, nous ne sommes pas les seuls concernés. Nous appliquons très strictement tous nos accords dans le cadre de notre travail avec nos amis et partenaires de l'OPEP+. Ces pays limitent délibérément leur production et leur approvisionnement en vecteurs énergétiques sur le marché mondial.

Aujourd'hui, cependant, la production est progressivement augmentée dans le cadre de l'accord existant. Mais progressivement, afin de ne pas créer de déséquilibres sur le marché mondial, afin d'assurer, comme nous le disons toujours dans de tels cas, un équilibre entre l'offre et la demande et des prix équitables qui seraient confortables à la fois pour les pays producteurs et pour les pays consommateurs.

Certes, on constate que la situation actuelle au Moyen-Orient, liée au conflit entre l'Iran et Israël, a entraîné une certaine augmentation des prix. Mais cette croissance, de l'avis de nos experts, n'est pas significative. Eh bien, à combien s'élève le baril aujourd'hui ? 75 dollars le baril, et il était à 65. Il a augmenté de 10 dollars et s'est stabilisé à ce niveau.

De nombreux pays, y compris les pays du Golfe, peuvent augmenter ces approvisionnements, augmenter la production et augmenter les approvisionnements sur le marché mondial. Mais, je le répète, nous le faisons, en règle générale, de manière coordonnée. J'espère qu'il en sera ainsi. Les Émirats arabes unis apportent une contribution très importante et le prince héritier d'Arabie saoudite a une attitude très responsable à cet égard. Nos décisions sont toujours équilibrées. Nous verrons ensemble comment la situation évolue. Pour l'instant, il n'y a pas lieu de réagir immédiatement.

Nadim Koteich (traduction) : Les sanctions récemment imposées à la Russie ont affecté ce que l'on appelle la flotte fantôme. Comment cela peut-il affecter l'approvisionnement en pétrole des pays asiatiques, des pays africains ? Comment cela affectera-t-il la Russie ? Comment cela affectera-t-il vos amis ?

Vladimir Poutine: Vous savez, le fait est que nos ennemis, nos ennemis jurés, cherchent constamment des moyens de nous infliger des dommages économiques, et avant tout, ils en souffrent eux-mêmes.

Vous parliez justement des transporteurs d'énergie. Nos experts ont calculé, et pas seulement nos experts (je pense qu'Eurostat le fait aussi), que les dommages causés à la zone euro par le seul refus de payer le gaz se situaient, je pense, aux alentours de 200 milliards d'euros. 200 milliards d'euros qu'ils ont perdus. La hausse générale des prix est en cours.

Quant à la "flotte fantôme", etc. Notre ami chinois l'a exprimé très précisément, à mon avis, très précisément : c'est là où quelqu'un essaie de faire des frappes que nous devenons en fin de compte plus fort. Pourquoi ? Parce que nous trouvons toujours une réponse et une solution.

Nous avons parlé de la politique tarifaire. Le commerce entre les États-Unis et la Chine représente 20 % du commerce mondial. Bien sûr, dans les conditions actuelles, alors que la dette et l'endettement augmentent dans l'ensemble de l'économie mondiale - cette dette atteint déjà 300 pour cent - bien sûr, tout cela affecte tout le monde. Les tentatives de nous infliger des dommages et des préjudices, y compris à ce que l'on appelle la flotte fantôme, conduiront également à des problèmes généraux. Et tout d'abord pour ceux qui essaient, excusez-moi, de nous embrouiller. Parce que cela finira par affecter les prix mondiaux et affectera les pays, je le répète, qui essaient de le faire, parce qu'ils sont les principaux consommateurs. C'est tout ce à quoi cela aboutira. Et nous trouverons des marchés.

N.Koteich (traduction) : Vous savez, le ton de votre réponse est très intéressant. Je voudrais vous poser une dernière question directement avant de donner à mes honorables collègues l'occasion de s'exprimer. Donc, question directe : il y a beaucoup de preuves et d'études auxquelles vous pouvez vous fier que cette guerre tue l'économie russe, que le taux directeur est très élevé et que la dette augmente. Cette guerre tue-t-elle votre économie ?

Vladimir Poutine : Premièrement, notre dette n'augmente pas, elle est l'une des plus faibles au monde. Deuxièmement. Pour ce qui est de "tuer" l'économie russe… Comme l'a dit un jour un écrivain célèbre : "Les rumeurs de ma mort ont été grandement exagérées". Il en va de même dans le cas présent.

Le principal indicateur est la croissance du PIB, le taux de croissance du PIB. L'année précédente, la croissance du PIB de la Russie était de 4,1 %, et l'année dernière de 4,3 %. Le taux de croissance mondial, si ma mémoire est bonne, était de 3,3 %. En d'autres termes, notre taux de croissance était supérieur à la moyenne mondiale. Les États-Unis ont enregistré un taux de croissance de 2,8 %. Et la zone euro a progressé de 0,9 %. Il est donc clair que la Russie progresse à un rythme soutenu. Et si l'on exclut tout ce qui est lié aux hydrocarbures, notre croissance sera encore plus significative. De combien ? L'année précédente, elle était de 7,2 %, et l'année dernière de presque 5%, 4,9.

Mais ce n'est pas le plus important. C'est bien, mais ce n'est pas le plus important. Qu'est-ce qui est plus important ? La structure de l'économie russe est en train de changer. C'est la chose la plus importante. Dans la structure de la croissance du PIB, 43% environ ne sont pas liés au pétrole et au gaz, ni même à la défense. Une part importante de notre croissance est concentrée dans le principal secteur industriel, qui n'est même pas directement lié à la défense. Je l'ai dit dans mon discours.

Vous savez ce qui nous réjouit le plus ? Je crois qu'il s'agit d'un élément clé en général. Nous parlons sans cesse de substitution des importations, et nous avons effectivement alloué de solides ressources financières pour remplacer les produits qui ont quitté notre marché en raison des sanctions et du départ de certaines entreprises occidentales. Actuellement, nous vivons un moment très positif : nous avons de plus en plus de produits basés sur nos propres solutions, notre propre plateforme liée au développement de la science et de la haute technologie. Le volume de ces produits est en constante augmentation, ce qui montre que la structure de l'économie russe est en train de changer. C'est l'un de nos principaux buts et objectifs.

L'industrie croît encore plus vite que le PIB du pays. L'année dernière, je pense que le taux de croissance se situait entre 7 et 7,2%. Aujourd'hui, au premier trimestre de cette année, je pense qu'il est déjà de 1,6 à 1,9%. La croissance se poursuit.

Tout cela se produit dans un contexte de chômage relativement faible, qui atteint le niveau historique de 2,3%.

Oui, bien sûr, le prix d'une croissance aussi forte de l'économie, qui est assez rapide pour nous, c'est l'inflation. Mais la Banque centrale et le gouvernement font les efforts nécessaires, y compris le taux directeur élevé. Vous avez dû être témoin des discussions en cours au sein du gouvernement et entre le gouvernement et la Banque centrale. Bien sûr, il n'y a pas de solutions simples, mais dans l'ensemble, nous parvenons à faire face à ce problème. Après tout, nous disposons déjà de chiffres clairs sur l'inflation. De combien s'agit-il ? 9,6%, je crois ? Elvira Sakhipzadovna [Nabiullina][1] me fera un signe de tête. Quelque part autour de 9,6, n'est-ce pas ? Certains disent que l'inflation de base est déjà de 5. Mais je n'entrerai pas dans les détails maintenant. Ils m'ont "chargé" et "chargé" ici il y a deux jours, trois jours, en m'expliquant ce que sont ces 5% et d'où ils viennent. Néanmoins, la Banque de Russie pense que nous atteindrons 7 à 8% d'ici un an. Je pense que ce sera 7%. Je l'espère. Cela signifie que les mesures prises par les autorités financières russes ont un effet positif.

Il y a des problèmes, et ils sont nombreux, que nous devons résoudre. Le directeur de la Sberbank[2] sourit et hoche la tête. Pourquoi ne sourirait-il pas ? Sa marge est de 5,7%. Et dans les grandes institutions financières occidentales, le maximum est de 3,7%, vous voyez ? C'est aussi un résultat.

Oui, certains aspects du secteur bancaire requièrent une attention particulière. Mais dans l'ensemble, notre situation est stable et fiable. J'espère qu'elle le restera.

[...]

Vladimir Poutine : Chers amis, chers collègues !

Permettez-moi d'exprimer mes remerciements à notre hôte.

Je voudrais remercier sincèrement mes collègues qui ont participé à la discussion d'aujourd'hui. Je suis sûr qu'elle a été intéressante pour le public. Et pas seulement pour le public ici présent, beaucoup de choses se répandront, bien sûr, dans le monde entier. Les présentations étaient intéressantes, vivantes, ce qui est très important, et elles correspondaient toutes à la chaleur des événements que nous vivons.

Merci beaucoup d'avoir été parmi nous aujourd'hui.

* * *

[1] Présidente de la Banque centrale de Russie depuis le 24 juin 2013

[2] Fondée en 1991, à la base de la Caisse d’Epargne russe fondée en 1841, Sberbank est la plus grande banque de crédit en Russie. Elle compte 100 millions de personnes physiques et 1 million de personnes morales pour clients.