Interview de Raphaël Gorgé, Président Directeur Général du Groupe Gorgé
/SDBR : Quelles sont les activités du groupe Gorgé* ?
Raphaël Gorgé : Groupe Gorgé est une ETI indépendante créée par mon père, Jean-Pierre Gorgé, en 1990 et aujourd’hui cotée sur Euronext Paris. Nous sommes présents dans des industries de haute technologie, avec 3 domaines d’activité : les systèmes intelligents de sûreté avec ECA Group, la protection des installations à risques avec Baumert, Seres technologies, CLF Satrem et Van Dam, enfin, depuis 2013, l'impression 3D avec Prodways Group. Le Groupe Gorgé a réalisé un chiffre d’affaires de 296M€ en 2018, grâce à 2000 collaborateurs et une présence dans près de 10 pays.
SDBR : Quelle est la part d’ECA Group dans l’ensemble Groupe Gorgé ?
Raphaël Gorgé : L’apport d’ECA Group au chiffre d’affaires de notre Groupe est actuellement d’environ 36%. ECA Group a réalisé un chiffre d’affaires 2018 de 102M€ et nos prévisions étaient une progression de 5% sur l’année 2019, pour atteindre un chiffre d’affaires de l’ordre de 107M€. Le 22 mai 2019, le consortium Belgium Naval & Robotics, composé de Naval Group et ECA Group, a reçu la notification d’un contrat de fourniture de douze navires de chasse aux mines aux marines belge et néerlandaise. Equipés au total d’une centaine de drones, constituant une dizaine de systèmes de drones (toolboxes), six navires sont destinés à la marine belge, les six autres seront livrés à la marine néerlandaise. C’est un contrat de 450M€ sur 10 ans pour ECA Group. Le programme va débuter par une phase de design d’environ 3 ans, avant la phase de production et de livraison des systèmes de drones. Le chiffre d’affaires constaté par ECA Group devrait être supérieur à 5M€ dès 2019, atteindre entre 15 et 20M€ en 2020, être proche de 40M€ en 2021 et s’établir entre 50 et 100M€ par an les cinq années suivantes. Le carnet de commandes d’ECA Group est à ce jour à un niveau historique, supérieur à 500M€. L’objectif d’une croissance du chiffre d’affaires de 5% en 2019 devrait donc être nettement dépassé.
SDBR: Ce contrat va t-il faire changer le groupe ECA de dimension ?
Raphaël Gorgé : Le changement de dimension d’ECA Group a été opéré il y a quelques années déjà, avec le développement de nouvelles solutions répondant aux nouveaux concepts opérationnels dans la défense : développements de nouveaux drones et surtout développement des systèmes de drones, notamment pour ce qui est l’aspect logiciel. Ces développements ont concentré l’essentiel de nos budgets de recherche depuis quelques années. Par ailleurs, l’accent a été mis sur le rayonnement marketing et commercial d’ECA Group dans la perspective de l’arrivée de gros contrats. Nous étions persuadés que le temps des gros contrats arriverait, car nous voyons bien que les capacités nouvelles de la robotique vont inévitablement être transférées sur des applications très concrètes et à grande échelle. Mais ce contrat belgo-néerlandais est un contrat transformant pour le groupe car il devrait en appeler d’autres, de même catégorie, dans les années qui viennent. Ce succès ne peut qu’ouvrir la voie à d’autres succès et d’autres développements, toujours au service de nos clients…
SDBR : Est-ce ECA Group qui a fait gagner le consortium Belgium Naval & Robotics ?
Raphaël Gorgé : Nous avons pu voir, grâce à cet appel d’offres belgo-néerlandais, l’état de l’art et de la concurrence dans le domaine de la robotique marine. La marine belge a convoqué tous les acteurs internationaux du secteur pour faire deux ans de démonstration de leurs solutions ; 4 compétiteurs : Saab, Thales, Elbit Systems et ECA Group. A notre connaissance, ECA Group était la seule entreprise présentant une offre complète pour la partie robotique : depuis le drone de surface (USV) jusqu’aux drones sous-marins. Certains de nos concurrents, de leur côté, présentaient plutôt des briques, achetées chez tel ou tel fabricant, avec le risque pour le client d’une intégration fastidieuse. Nous avons fait la meilleure offre techniquement et économiquement. Pour ce qui est la partie Toolbox, nous nous différencions sur le plan de la performance et de la cohérence de nos systèmes de drones qui ont été, depuis des années, développés pour collaborer entre eux, avec le logiciel de commande et contrôle UMISOFT qui pilote l’ensemble. Notre drone sous-marin AUV A18-M/AUV, élément clé du dispositif, est parfaitement conçu et intégré pour être embarqué, déployé et récupéré par notre drone de surface Inspector 125/USV (sans pilote). Notre solution a été qualifiée par les experts les plus compétents en robotique, la Marine belge étant réputée la plus experte en matière de déminage en mer, donc la plus exigeante en ce qui concerne les outils nécessaires pour leur mission. Donc l’avenir nous dira si nous sommes incontournables, mais nous avons marqué des points importants face à nos concurrents et nous sommes encore plus crédibles pour les grands donneurs d’ordre. C’est une grande récompense pour toutes les équipes qui y travaillent depuis de nombreuses années.
SDBR : Le partenariat avec Naval Group est-il appelé à se perpétuer ?
Raphaël Gorgé : Le partenariat avec Naval Group a très bien fonctionné. Nous avions besoin d’eux pour proposer une offre complète, avec des navires militarisés de grande qualité, et ils avaient besoin d’une solution robotique cohérente : c’est donc un partenariat gagnant-gagnant. C’est un partenariat que nous souhaitons voir prolongé pour des pays qui auraient le même type de besoin que la Belgique et les Pays-Bas. Il y a 40 ans, les marines belges, hollandaises et françaises avaient lancé un programme de chasseurs de mines tripartite ; ECA Group était déjà en partenariat avec l’ancêtre de Naval Group (DCN) et nous avions vendu le « PAP » (Poisson Auto Propulsé) qui était LE 1er robot sous-marin télé-opéré de déminage. Ce succès auprès de la Belgique, qui était déjà la référence, nous avait permis de déployer ce robot auprès d’une trentaine de Marines dans le monde et d’en vendre environ 500 exemplaires. Un certain nombre de nos clients se montrent aujourd’hui intéressés.
SDBR : Le contrat belge va donc être un aiguillon…
Raphaël Gorgé : Oui, probablement. Non seulement dans le contexte guerre des mines, mais aussi dans d’autres applications connexes car la problématique des systèmes de robots est intéressante pour d’autres applications** : sécurisation de ports, surveillance de côtes, hydrographie, etc. A ma connaissance, ECA est la seule société au monde qui fournit des drones dans tous les environnements : aérien, terrestre, naval, et même sous-terrestre pour l’inspection de canalisations. Nous avons beaucoup de briques technologiques communes au développement de ces différents produits qui sont utilisés en France comme à l’international. Nous étions convaincus d’avoir développé des produits exceptionnels, mais la reconnaissance d’un client mondial de premier plan est une grande satisfaction.
SDBR : Est-ce le moment de proposer à Thales de racheter leurs activités de drones pour construire un champion européen ?
Raphaël Gorgé : Habituellement on me demande plutôt si Thales va nous racheter… En tous cas ce n’est pas un sujet d’actualité. Notre réflexion stratégique avait été faite il y a 5 ans, avec un pari et des investissements importants. Tout cela se concrétise aujourd’hui, donc nous allons continuer sur la même voie. Nous allons, par contre, pouvoir faire des économies de fabrication sur des séries maintenant plus importantes. Nous espérons que ce qu’on appelle le « Toolbox » [qui regroupe un ensemble de robots et la plateforme dronisée « Inspector 125 » intégrant un système autonome de navigation et plusieurs systèmes de déploiement et de récupération (LARS)] qui vient d’être reconnu comme étant le meilleur système par la Marine belge, soit bientôt reconnu par la France. Je n’imagine pas que la solution d’ECA Group, qui est le meilleur produit au meilleur coût, ne soit pas celle qui s’impose à la Marine nationale. La France est le seul pays qui a une entreprise qui fait des drones pour l’ensemble des environnements. Ce serait inconcevable, aujourd’hui, que cette entreprise ne soit pas celle qui équipe la Marine française. Sur un sujet aussi stratégique que celui des drones et de la robotisation, dans n’importe quel autre pays, le champion national serait aidé ; je n’imagine pas que ce ne soit pas la même chose en France.
** https://www.youtube.com/watch?v=0tXx-aBQbn4
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Meet ECA Group at APEX EXPO, in Los Angeles on September 9-12th 2019, to discover its wide range of solutions for IFE connectivity & on-board equipment.
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Crédits photos: Groupe Gorgé, ECA Group
