Interview de Xavier Montazel - Directeur de la BU Défense de CNIM Systèmes Industriels
/L’interview a été réalisée par Alain Establier sur Eurosatory 2024
SDBR News : Comment va CNIM Systèmes Industriels aujourd’hui ?
Xavier Montazel : Suite aux difficultés financières du groupe CNIM en 2022, ses filiales industrielles, Bertin et CNIM Systèmes Industriels, ont été cédées : Bertin à un fonds d’investissement et CNIM Systèmes Industriels au groupe français « REEL »*. REEL est un groupe familial de 3000 personnes, spécialisé dans le Nucléaire et dans la Défense (plutôt navale). CNIM Systèmes Industriels travaillait déjà pour la Défense (navale et terrestre) et pour le Nucléaire, donc c’est assez naturellement que les activités se sont rapprochées. Aujourd’hui, CNIM Systèmes Industriels est filiale à 100% du groupe REEL et a gardé le même périmètre d’activité et la même organisation qu’elle avait avant 2022. Aujourd’hui CNIM Systèmes Industriels va bien.
SDBR News : Quelle est la taille de CNIM Systèmes Industriels et en particulier de l’activité défense?
Xavier Montazel : CNIM Systèmes Industriels emploie 450 personnes, dont environ 150 personnes sur les opérations de défense, 100 personnes sur les opérations liées au nucléaire, le reste étant sur la production et les activités transverses. Nous réalisons une centaine de millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.
SDBR News : Parlez-nous de l’activité défense terrestre…
Xavier Montazel : Pour ce qui concerne le terrestre, notre activité est essentiellement tournée vers le Génie : franchissement, déminage et aménagement du terrain. Nous proposons des solutions pour ces 3 spécialités :
Le PFM (Pont Flottant Motorisé) F3 pour le franchissement continu ou discontinu de brèches humides, pour les véhicules militaires lourds de classe MLC 90C/100R ; mais également pour un usage civil lors d’opérations de sauvetage, à la suite de catastrophes naturelles par exemple. Nous avons vendu le Pont Flottant Motorisé F3 dans sa version longue à la Pologne (PFM LG) et nous présenterons à l’AO SYFRALL** pour la France le PFM F3 dans sa version courte (PFM XP), en partenariat avec CEFA**.
Le ROCUS, qui permet d’assurer l’ouverture d’itinéraire pour des opérations sécurisées. Sur une base roulante du Themis de Milrem Robotics, nous avons développé un système téléopéré permettant de faire de la levée de doute et de la neutralisation d’IED (Improvised Explosive Devices) ou de mines. Le système téléopéré est commandé à une distance de 2000 mètres et hors de la vue ; il existe une version à commande filaire pour les zones fortement brouillées. C’est un véhicule chenillé que nous avons développé : il est muni d’une commande unique pour le robot et la charge utile. Il a été évalué par la Section Technique de l'armée de Terre (STAT), dans le cadre du programme Robin pour remplacer les véhicules existants (Buffalo US). Nous avons un retour très positif sur cette évaluation et sur l’utilisation du ROCUS par des forces armées à l’étranger. Nous réfléchissons à une version munie de détecteurs pour objets enterrés et à une version pour le déminage pyrotechnique.
AUROCH, qui est un projet d’engin d’appui du Génie au combat de contact : véhicule blindé à roues pour aménager le terrain (projet franco-belge de l’OCCAR pour 2025). Sur ce projet nous sommes associés dans un GME à Texelis, qui nous fournirait les châssis 8x8 et la mobilité, et à KNDS France, qui fournirait la partie feu et l’intégration dans la bulle Scorpion de l’armée française. CNIM Systèmes Industriels réalise la conception, la caisse blindée et intègrerait les outillages de Mecalac*** pour l’aménagement du terrain : creuser les positions de défense des véhicules blindés, aménager les bases, créer les fossés, combler les fossés de l’ennemi, faire de l’ouverture d’itinéraire en ville, déblayer les terrains, etc.
SDBR News : Le PFM a-t-il évolué depuis son lancement?
Xavier Montazel : Le PFM n’a pas évolué dans sa capacité, puisqu’il permet de laisser passer les chars les plus lourds (comme l’Abrams US), mais il existe aujourd’hui en deux versions :
une version « longue », PFM LG, sur semi-remorque (et un tracteur 6x6), avec des modules de 11m de long (c’est la version livrée aux Polonais) et deux rampes tactiques de chacune 13.60m pour entrer et sortir du pont ; le temps de construction demande 15 minutes pour un franchissement de 50/60 mètres et 30 minutes pour un franchissement de 100/110m.
La version dite « courte », PFM XP, avec des modules de 6.70m et deux rampes flottantes de chacune 6.70m, sur des camions logistiques 8x8 (normes OTAN) ; le PFM XP est aérotransportable et permet une navigation polyvalente (longitudinale et transversale).
SDBR News : Le regain d’intérêt pour le PFM est-il lié, selon vous, à la guerre en Europe centrale ?
Xavier Montazel : Depuis 4 à 5 ans, nous avions vu arriver des besoins de renouvellement des moyens de franchissement pour des armées européennes : appels d’offres polonais et hollandais. Depuis 2 ans, les demandes se sont accélérées : Espagne, Ukraine, République Tchèque, etc. Nous sommes en période de croissance et nos usines sont pleines d’engins en fabrication…
*Groupe REEL : https://www.reelinternational.com / https://cnim-systemes-industriels.com
** SYFRALL :SYstème de FRAnchissement Léger Lourd - CEFA : https://www.cefa.fr
*** Mecalac: https://www.mecalac.com
Crédits photos: CNIM Systèmes Industriels