Interview exclusive de Marc Courcelle - Directeur Général de Drone Volt
/SDBR News : Drone Volt* est-il un groupe international ?
Marc Courcelle : Drone Volt est un constructeur aéronautique français, créé en 2011, coté à la Bourse de Paris, sur Euronext Growth depuis 2015, implanté aujourd’hui dans plusieurs pays autres que la France : Belgique, Canada, Danemark, Pays-Bas et Suisse. Le groupe compte aujourd’hui 60 collaborateurs, après la reprise à la barre du tribunal en juin 2023 « d’Aeraccess Services », activité de prestations de services située près de Bordeaux, et de ses 12 collaborateurs : télé-pilotes et géomaticiens**. Le chiffre d’affaires du groupe en 2022 était de 13.7 M€ et, sur les neuf premiers mois de 2023, le CA de Drone Volt est de 19 M€. Drone Volt est qualifié « Entreprise Innovante » par Bpifrance.
SDBR News : Quelle palette d’activités offrez-vous à vos clients ?
Marc Courcelle : Drone Volt est un écosystème d’expertises du drone à 360°. L’activité première est la conception et la fabrication de drones : nous avons pour cela une vingtaine d’ingénieurs pour développer les outils que nous fabriquons. Le microdrone « Kobra », que nous avons présenté à l’occasion du dernier salon Milipol, est issu de la R&D Drone Volt. Deuxième volet d’expertise, la formation. Nous avons une école nommée « Drone Volt Academy » pour former des télépilotes aux métiers et à l’usage du drone: démoussage de toits, photogrammétrie (en agriculture, par exemple), captation de données (en topographie, par exemple), etc. La Drone Volt Academy s’est installée à l’UTAC de Mortefontaine près de Paris, avec 4 hectares de terrains privatisés, sur lesquels peuvent être réalisés les essais, et une salle de formation. Bien sûr nous faisons aussi la maintenance et le SAV de tous nos produits. Et nous avons aussi une expertise de réglementation européenne en matière de drones.
SDBR News : Vous mettez en avant le développement de logiciels? Pouvez-vous nous en parler ?
Marc Courcelle : Nous avons acquis en juin 2023 une société danoise, nommée « Lorenz », qui avait développé une plateforme de gestion de drones à distance désormais nommée : « Drone Volt Cloud ». Grâce à cette expertise, nous allons pouvoir gérer une flotte de drones à distance, à partir d’un PC de contrôle, avec une visibilité de la mission de chaque drone : l’opérateur pourra éventuellement prendre la main sur la mission programmée du drone pour changer l’orientation de la caméra et faire une levée de doute, par exemple. Nous utilisons pour cela une communication 4G/5G, d’ailleurs sur Milipol nous avons montré son fonctionnement : entre un centre de vol à Bordeaux, un centre de vol au Danemark et un centre de vol en Hollande, l’opérateur de la démonstration situé à Villepinte pouvait visualiser ce que le drone survolait et prendre la main sur chaque site. Cette plateforme pourra intéresser un grand compte voulant, par exemple, faire de la surveillance depuis Paris de ses différents sites en Province.
SDBR News : Qu’est-ce qui caractérise la gamme des produits Drone Volt?
Marc Courcelle : Dans notre catalogue nous avons un gros porteur, l’Hercules 20, capable d’emporter une charge maximum de 15kgs et pour lequel nous avons développé différents accessoires : treuil, filet, crochet pour pouvoir poser des objets dans un endroit défini. Ce drone est utilisé sur le porte-avions Charles de Gaulle pour faire du transbordage ; il est également destiné à faire du tirage de câble en montagne ; à faire du nettoyage haute-pression en le connectant à un gros karcher pour les pales d’éoliennes, le dégel de lignes à haute tension au Québec, etc. C’est un drone orienté génie civil, sites industriels, travaux publics, logistique, etc. Dans notre catalogue nous avons également un VTOL (Vertical Take Off and Landing) qui est à la fois drone et avion, ou plutôt 3 VTOL sous le nom d’Heliplane LRS : 2.40m, 3.40m et 4.10m d’envergure.
SDBR News : Quelle charge peut-il emporter?
Marc Courcelle : C’est un outil dédié aux missions d’inspection, de surveillance et de photogrammétrie sur de longues distances : il peut être contrôlé et transmettre de la vidéo jusqu’à 80 kms de distance. Dans sa version ‘Beluga’, il peut emmener jusqu’à 10 kg de charge (ex. une caméra haute performance) et voler 1h30 ; en emmenant une charge maximum de 2,5 kg, il peut voler jusqu’à 2h25 selon la météo.
SDBR News : Qu’est-ce que le Linedrone présent à votre catalogue de produits Drone Volt?
Marc Courcelle : En 2020, nous avons signé un partenariat avec Hydro-Québec au Canada (l’équivalent canadien d’EDF) qui avait développé un prototype de drone allant sur les lignes à haute tension sous tension. Hydro-Québec cherchait alors une entreprise francophone, installée à Montréal, capable d’industrialiser et de distribuer ce drone. Drone Volt était déjà sur place et nous correspondions tout à fait à leurs critères, ce qui a facilité la mise en place du partenariat. Le drone a la particularité d’aller se poser sur une ligne à haute tension (315.000 volts) sous tension. Le drone en aluminium se pose sur le câble, puis roule sur le câble grâce à des galets d’entrainement. Deux sondes sont utilisées pour mesurer la performance des installations: l’une pour inspecter la qualité des manchons reliant deux morceaux de câbles (prévention de maintenance des lignes), le LineOhm, et l’autre, le LineCore, pour analyser la qualité du câble et la qualité du zinc. La société NUCLEOM installée au Canada fournit les sondes et Drone Volt met le drone à disposition. Il s’agit d’une première mondiale et d’une licence exclusive mondiale de Drone Volt.
SDBR News : Est-ce qu’Hydro-Québec vous autorise à commercialiser ce drone en dehors du Canada?
Marc Courcelle : Absolument ! Le Linedrone est issu du centre de recherches Hydro-Québec et c’est Drone Volt qui industrialise et commercialise le Linedrone mondialement ; les droits d’industrialisation et de commercialisation ont été validés en Juin 2023 par Hydro-Québec. Avant le Linedrone, l’inspection des manchons se faisait avec des caméras thermiques montées sur un hélicoptère et ne pouvait s’effectuer qu’à certains moments de la journée (pas trop chaud, pas trop froid, pas de nuit) ; il y avait un taux élevé de faux relevés. Aujourd’hui la captation directe sur le manchon sous tension donne une grande fiabilité aux relevés : l’Allemagne et le Brésil sont très intéressés.
SDBR News : Finalement tout ce catalogue de haute technologie est uniquement tourné vers le civil. Avez-vous des ambitions dans la Défense et la Sécurité ?
Marc Courcelle : Oui bien sûr et c’est la raison pour laquelle nous étions présents sur Milipol 2023, et que nous y avons présenté le Drone Volt Kobra. Nous avons développé cet outil en fonction des attentes de différentes administrations européennes qui ne pouvaient plus utiliser certains matériels et qui avaient besoin de pouvoir emporter une charge significative. Nos équipes ont donc essayé de répondre à leurs attentes avec le Drone Volt Kobra et les retours de Milipol sont extrêmement positifs. Le Drone Volt Kobra est une architecture qui permet d’accueillir des capteurs de toutes origines : caméra thermique, caméra multi spectrale ou hyper spectrale, IMSI-catcher, brouilleur, etc.
SDBR News : Qu’est-ce qui a plu à vos contacts sur Milipol?
Marc Courcelle : L’effet compact du Drone Volt Kobra et sa facilité à être déployé ; la possibilité de changer la batterie sans avoir à éteindre et à rallumer le drone ; la possibilité d’adapter la charge utile en fonction des besoins ; le supercalculateur embarqué ; même la couleur a son importance semble-t-il en fonction de l’usage. En résumé, le chiffre magique du Drone Volt Kobra c’est 5/5/5 : 5 kg de batterie, 5 kg de poids à vide, 5 kg de charge utile. Le Drone Volt Kobra est un produit totalement fabriqué en France avec des éléments made in Europe. Ce drone intéresse aujourd’hui les forces de Police, les agences de surveillance, les militaires, etc.
SDBR News : Quel est votre objectif stratégique pour les deux prochaines années?
Marc Courcelle : Nous souhaitons développer les outils produits par Drone Volt, particulièrement le vecteur «Drone Volt Kobra », et développer l’activité liée à la prestation de Services. Lorsque nous citons le Drone Volt Kobra, il faut entendre tout ce qui va avec : les payloads et les adaptations qui peuvent en être faites. En matière de prestation de Services, nous pouvons par exemple citer les SDIS qui nous font des demandes de prestations pour faire des relevés cartographiques de zones. Toutes les administrations sont intéressées.
**Géomaticien : il exploite les données pour modéliser le territoire.
Crédits photos: Drone Volt