Interview de Jacques Salognon Président - Fondateur de Deveryware
/SDBR News : Etes-vous fier de la réussite de Deveryware ?
Jacques Salognon : Absolument ! Nous avons créé, avec Thierry Bathias notre directeur technique, la société Deveryware en 2003 sur la base d’une technologie nouvelle : la géolocalisation des téléphones mobiles qui venait d’être annoncée par les opérateurs de téléphonie. Assez rapidement, nous avons créé une maquette en mode SaaS (à l’époque on parlait de web services) grâce à laquelle on pouvait géolocaliser un téléphone sur un navigateur. Très vite cette application a plu, pour remplacer le suivi des flottes de transport via le GPS par une application permettant de suivre le chauffeur : plus légère, moins coûteuse. C’est ce qui a fait le succès de Deveryware au début. Mais lorsque nous avons présenté notre modèle aux forces de police en 2004, elles ont immédiatement adhéré à l’idée : c’était pour les policiers la possibilité de géolocaliser dorénavant une cible individuelle avec des téléphones mobiles, alors qu’auparavant ils avaient recours à des moyens qui concernaient essentiellement les véhicules. C’est ainsi que nous avons commencé à développer un vrai partenariat avec les forces de l’ordre. Précisons d’ailleurs que Deveryware est une société purement française, qui développe des produits souverains hébergés dans un Cloud souverain.
SDBR News : Ce succès auprès des forces de police vous a-t-il fait changer de stratégie ?
Jacque Salognon : Aujourd’hui, nous avons abandonné les produits de « B2C » pour nous concentrer sur des produits « B2G » avec les gouvernements. Nous nous consacrons à la Sécurité Globale qui est notre métier de base, autour de l’enquête notamment. C’est ce qui a conduit aussi à notre stratégie de croissance externe, avec l’acquisition de plusieurs filiales pour étendre nos expertises au-delà de la géolocalisation. La géolocalisation est devenue incontournable dans le monde de l’enquête, car elle est un outil très efficient dans le déroulement d’une enquête judiciaire, que nous mettons à la disposition des forces de l’ordre pour les aider dans la résolution de nombreuses affaires.
SDBR News : Avez-vous une application de géolocalisation ou plusieurs ?
Jacques Salognon : Notre solution « phare » Deveryloc permet de dresser le géoprofil d’une cible et propose de nombreux services autour du traitement et de l’analyse des données de géolocalisation pour les besoins de l’enquête judiciaire, détecter des changements de comportements, ou encore mettre en évidence des liens entre plusieurs individus. Cette solution est utilisée par 2300 services opérationnels (police, gendarmerie et douanes - dont 6000 officiers de police judiciaire) pour obtenir la géolocalisation de balises ou de téléphones portables (en coopération avec les opérateurs télécoms), être informés et alertés des événements pertinents, et se connecter simultanément et en temps réel. Une performance permise par notre architecture développée par notre directeur technique Thierry Bathias. La solution Deveryloc, aujourd’hui enrichie d’algorithmes, permet l’analyse et la corrélation des données de géolocalisation rapportées en temps réel. Des fonctionnalités, à forte valeur ajoutée, correspondent aux besoins des enquêteurs sur le terrain. Certaines fonctionnalités s’appuient sur le Big Data, l’Intelligence Artificielle, la récupération de données ouvertes et leur analyse, mais également le traitement de ce que l’on appelle les « métadonnées » comme par exemple les données de téléphonie : c’est ce qu’on trouve dans notre gamme de solutions DeveryAnalytics.
SDBR News : « L’Analytics » n’est-il pas un autre métier ?
Plateforme DeveryAnalytics
Jacques Salognon : C’est pourquoi nous avons acheté en avril 2019 la société Tracip, un laboratoire français de référence de la récupération de données et de l’investigation numérique. Tracip dispose d’une gamme dédiée au « Forensics » et à la criminalistique. Son savoir-faire et son expérience se déclinent aujourd’hui autour de cinq axes :
la création de laboratoires d’investigation numérique et de récupération de données : Mobil’IT.
Le conseil, la formation et la sensibilisation aux problématiques de l’investigation numérique (Tracip équipe et forme l’ensemble des enquêteurs cyber en France depuis plus de 10 ans).
La « réponse à incident cyber » avec une méthodologie unique pour identifier, nettoyer et récupérer les données d’une organisation, suite à une attaque cyber.
La récupération de données numériques critiques devenues inaccessibles suite à une panne matérielle ou un incident.
Des laboratoires mobiles ADN et dépistage de virus : Mobil’DNA et Mobil’RNA – Covid
Avec notre solution DeveryAnalytics Investigation, nous sommes en mesure de comparer et de comprendre des comportements pour détecter et générer des alertes dans différents aspects de l’enquête : anomalies et ruptures comportementales, collusion et corrélation, phénomènes récurrents, lieux cités et géolocalisation, données similaires. Avec notre filiale OAK Branch, rachetée en juillet 2018, nous apportons en outre l’analyse du Big Data aux spécialistes du renseignement et de l’investigation judiciaire, avec des applications variées telles que l’analyse et le croisement de données hétérogènes (procès-verbaux, fadettes, géolocalisations, données bancaires…) et de données ouvertes (web, réseaux sociaux, médias), notamment pour la lutte contre les différentes menaces : actes de malveillances, trafics, lutte contre la corruption, le blanchiment et la fraude financière, etc. Avec ces deux filiales, nous pouvons analyser les données de tous types pour en extraire des signaux faibles et de l’information dédiée.
SDBR News : Vous venez de nous présenter vos métiers dans le cadre de l’enquête judiciaire, mais n’avez-vous pas élargi votre développement vers d’autres métiers ?
Jacques Salognon : Oui, en effet nous avons d’autres métiers. Notamment, la gestion de crise avec deux filiales :
Resiliency, rachetée en septembre 2018, qui depuis 10 ans propose des prestations d’audits et de formations aux entreprises et collectivités, mais aussi des solutions numériques de gestion et de communication de crise (main courante, cartographie, tableaux de bords, alertes, etc.).
Crisotech, rachetée en juillet 2020, spécialiste du conseil et de la formation en gestion des risques et des crises : la société propose un accompagnement sur tout le processus de gestion de crise, de sa préparation et son anticipation à son retour d’expérience, en passant par la formation et l’assistance. Crisotech est intervenue dans plus de 50 pays depuis sa création. Premier acteur à avoir inventé, en 2015, la « social room » pour maîtriser la pression médiatique des réseaux sociaux en cas de crise, Crisotech est reconnue comme le « Champion de France » de l’exercice de crise, avec 138 interventions en 2019.
Avec ces deux nouvelles entités intégrées, Deveryware est devenu leader dans la gestion de crise en France. Ces rapprochements s’inscrivent dans la stratégie de croissance engagée par le groupe ces dernières années, car nos clients ont besoin de spécialistes dotés de solutions expertes. Nos valeurs de respect de la vie privée et notre connaissance historique du marché de la Sécurité ont fait de Deveryware un partenaire de confiance reconnu auprès de nombreux acteurs : services du Premier Ministre, ministères français de l’Intérieur, de la Justice, de l’Économie et des Finances, Total, Axa, Veolia, SNCF, RTE, etc.
SDBR News : Nous avons évoqué le formidable développement de Deveryware, soit de façon organique, soit par croissance externe. N’est-il pas temps de nouer des partenariats pour passer à la taille supérieure ?
Jacques Salognon : Certainement et c’est ce que nous avons annoncé en juin dernier avec notre partenaire Amarante, spécialiste de la gestion de la sûreté à l’international autour de la protection des collaborateurs, de leurs biens et leurs informations. Nous avons souhaité nouer avec Amarante un partenariat ambitieux, né d’une vision commune des nouveaux paradigmes de la sûreté des organisations, désormais perçue comme vitale, nécessitant une vision 360° des risques. Premier-né du partenariat Deveryware - Amarante, « HAVN » devient la première brique d’une gamme de services applicatifs de gestion globale de la sûreté et rassemble, au sein d’une solution ergonomique, l’ensemble des fonctionnalités nécessaires à la gestion des déplacements et à leur sécurisation : guides pays, alertes en temps réel, fiches pratiques, géolocalisation, hotline sûreté 24/7, « panic button », messagerie intégrée, suivi automatique des voyageurs, validation des déplacements.
SDBR News : Quels vœux formez-vous pour l’avenir ?
Jacques Salognon : Nous voulions participer au bouleversement du marché de la géolocalisation en créant Deveryware en 2003 et nous avons réussi notre pari. Durant toutes ces années, nous avons contribué aux développements de cette technologie, en particulier en centrant notre cœur de métier autour des enjeux liés à la collecte et au traitement de ces données. Nous explorons désormais le champ de la Donnée pour qu’elle puisse devenir un véritable atout au service de la sécurité des citoyens. Le monde change mais l’enjeu sécuritaire demeure. Dans ce contexte, depuis l’origine Deveryware mise sur la recherche et l’innovation, sur l’investissement et sur la diversité des compétences pour maîtriser parfaitement les technologies d’avant-garde. Demain, cette performance permettra de relever d’autres défis, de partir à la conquête de marchés émergents et de forger des alliances durables. Notre force réside dans la capacité à nous adapter aux évolutions des besoins et à y apporter des réponses adéquates, en fournissant les meilleures solutions. Nous venons d’ailleurs de publier notre livre blanc, « La Data au cœur de l’enquête », qui réunit des contributeurs parmi les principaux experts français de l’enquête et de la sécurité, et dans lequel nous mettons justement en perspective tous les enjeux technologiques, politiques et juridiques autour de l’enquête, aujourd’hui et demain.
Crédits photos : Deveryware
